KANT :Il y a un principe du doute...

 

 

        

KANT : DOUTE SCEPTIQUE ET MÉTHODE SCEPTIQUE

« Il y a un principe du doute consistant dans la maxime de traiter les connaissances de façon à les rendre incertaines et à montrer l’impossibilité d’atteindre à la certitude. Cette méthode de philosophie est la façon sceptique ou le scepticisme.

(...) Mais autant ce scepticisme est nuisible, autant est utile et opportune la méthode sceptique, si l’on entend seulement par là la façon de traiter quelque chose comme incertain et de le conduire au plus haut degré de l’incertitude dans l’espoir de trouver sur ce chemin la trace de la vérité. Cette méthode est donc à proprement parler une simple suspension de jugement. Elle est fort utile au procédé critique par quoi il faut entendre cette méthode de philosophie qui consiste à remonter aux sources des affirmations et objections, et aux fondements sur lesquels elles reposent, méthode qui permet d’espérer atteindre à la certitude. »

        Voici un exemple de dissertation sur texte (N.B. Il manque la discussion du problème. Vous ne trouverez ici que la compréhension précise du texte et non aussi le compte rendu du problème dont il est question)

Introduction du problème

(les titres permettent d'identifier les différentes parties du devoir. Dans une copie du baccalauréat, ils ne doivent pas être donnés)

        La philosophie de Kant est une philosophie critique, non parce qu'elle critique livres et systèmes antérieurs, mais parce qu'elle critique le pouvoir de connaître en général : elle s'interroge sur la manière dont notre raison peut construire des connaissances universelles et nécessaires. Elle détermine par conséquent aussi les limites de ce qu'il est réellement possible de connaître. C'est dans ce cadre que, dans l’introduction de sa Logique dont ce texte est tiré, Kant s’interroge sur les méthodes philosophiques et examine leur valeur : Quelles méthodes philosophiques utiliser pour parvenir à la vérité? L’intérêt philosophique de ce texte est de rappeler la finalité de la démarche de la philosophie : la recherche de la vérité et de nous livrer les moyens d’y parvenir, moyens utilisés par les philosophes tels que Kant, Descartes, Berkeley, Nietzsche ou Husserl.

Introduction de l'étude ordonnée

(Il s'agit ici de présenter la démarche argumentative de Kant cf. méthodologie de l'étude de texte. On donne la thèse, puis l'argumentation.)

         La démarche de Kant dans ce texte est une démarche d'analyse distinctive (démarche que nous approfondirons à partir d'autres textes), une démarche de définition et d’appréciation des différentes méthodes philosophiques. Kant en analyse trois: le scepticisme, la méthode sceptique et le procédé critique qui lui est lié. La thèse qu’il défend est de donner toute sa valeur à l'examen sceptique de la vérité, mais de refuser la philosophie sceptique proprement dite. Cette thèse est importante, non seulement parce qu'elle s'inscrit dans l'histoire de la philosophie, en référence au doute de Descartes et au scepticisme, tant de Pyrrhon, que du scepticisme mitigé de Hume, lequel a tiré Kant de « son sommeil dogmatique », mais aussi parce qu'elle renvoie à toute la philosophie de Kant, à son criticisme. Comment Kant argumente-t-il cette thèse?

          Dans un premier paragraphe, Kant énonce la règle essentielle du doute sceptique. Dans un second paragraphe, Kant, par opposition au doute sceptique, souligne la valeur de la méthode sceptique, il en énonce la règle générale, il en tire sa caractéristique et insiste sur son application philosophique : le procédé critique qu’il détermine.

Etude ordonnée

         Kant commence son analyse des procédés philosophiques par un usage particulier du doute. Il l’énonce et tout aussitôt en donne la caractéristique déterminante. En quoi consiste ce doute ? C’est un principe, entendons par-là une règle essentielle dont Kant précise la maxime, à savoir le principe pratique : il s’agit de chercher en quoi les connaissances sont toujours incertaines, laissent toujours place à la possibilité de l'erreur. En effet le doute est ici utilisé pour douter, pour jeter le doute sur les connaissances, pour les rendre incertaines. La finalité du doute est donc le doute lui-même. Ce doute pose l'impossibilité d'atteindre une connaissance certaine de la vérité, fin majeure de la philosophie. Kant identifie alors cette façon de douter, c’est la façon sceptique ou le scepticisme. Ce terme vient du grec skeptikos, qui signifie :  « qui observe, qui réfléchit. ». Le scepticisme est la doctrine selon laquelle l'esprit humain ne pourrait atteindre avec certitude la vérité ; il serait donc nécessaire de suspendre le jugement et de pratiquer le doute.

               Après avoir défini le doute sceptique, Kant dans son second paragraphe conteste la valeur de ce doute en philosophie et lui oppose celle de la méthode sceptique. Autant le doute sceptique est néfaste et préjudiciable puisqu’il rend douteuses toutes les connaissances, même les plus assurées, autant est recevable et nécessaire la méthode sceptique, cette méthode a en effet pour fin ultime la découverte de la vérité. Le doute est ici utilisé en tant que moyen en vue de parvenir à une vérité possible. Kant précise le sens exact qu’il faut donner à ce terme pour éviter la confusion (soulignons que Descartes insistera lui aussi fortement sur la différence de son doute d’avec le scepticisme :« Non que j'imitasse pour cela les sceptiques, qui ne doutent que pour douter et affectent d'être toujours irrésolus. » (Discours de la méthode, 3e partie) La méthode sceptique fait un usage du doute et de l'incertitude qui visent à découvrir ce qui résiste au doute, ce qu'il est finalement impossible de nier, ce qui est assurément certain. On procède comme si les connaissances étaient douteuses, on exagère le doute, on le pousse à l’extrême et on espère qu’après avoir passé au crible de ce doute ainsi exagéré, des connaissances certaines et solides y auront échappé. Il s'agit donc non pas d'un jugement systématiquement négatif, comme dans le scepticisme, mais dit Kant, d'une suspension méthodique du jugement, en vue d'atteindre des jugements certains et indubitables. Approfondissons la différence entre le scepticisme et la méthode sceptique. Dans le scepticisme, on doute afin de rendre les connaissances incertaines. Le doute est ici employé comme fin. On doute pour douter. Dans la méthode sceptique, au contraire, on fait comme si les connaissances étaient douteuses, on utilise le doute comme moyen dans le but de parvenir à cette fin, la vérité. On doute pour échapper au doute en parvenant à la certitude. On reconnaît là le doute hyperbolique de Descartes et on comprend qu’en employant un doute aussi radical, on ne puisse espérer trouver que quelque trace de la vérité. Par cette formulation, Kant renvoie à l’angoisse que Descartes confie dans sa première des Méditations métaphysiques. Celui qui entreprend une telle démarche ne sait pas exactement ce qu’il va découvrir, mais il est sur le chemin de la vérité.

            La troisième démarche analysée par Kant est l’application de la méthode sceptique, l'exercice de la raison en oeuvre dans la méthode critique qui s'interroge sur les affirmations, les opinions, les objections. (Remarquons cette pratique de Kant : à chaque fois qu’il renvoie à une méthode ou à un procédé, il en établit le concept en donnant les attributs caractéristiques ; Il y a là le souci philosophique de savoir ce que parler veut dire.) Ce procédé critique, on peut l’identifier à l’analyse génétique, analyse qui remonte aux sources des idées ou à leur fondement. Elle permet de découvrir soit que nous avons affaire à des opinions non fondées, subjectives ou issues des préjugés sociaux ; soit, au contraire, que nous sommes en présence d’idées fondées sur la réalité ou des principes rationnels acceptables. Le procédé critique permet donc à la raison d'atteindre une connaissance certaine et détermine les limites des connaissances auxquelles nous pouvons prétendre. Soulignons que ce procédé critique est utilisé par les philosophes dans leurs analyses des opinions courantes.

            Ainsi Kant a décrit trois méthodes de philosophie reposant sur le doute, la distanciation critique. Il a donné leurs caractéristiques, indiqué leur valeur. Il nous resterait à utiliser cette démarche de procédé critique pour examiner la valeur de ses affirmations.

 

 

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